… à votre écoute

Je me souviens avec émotion que la première mission menée par notre équipe toute fraîche  concernait directement la jeunesse de notre chouette commune.

C’était une demande générale, et une promesse inscrite dans notre profession de foi : « Être à l’écoute des jeunes et œuvrer pour la mise en place et le développement d’activités culturelles, artistiques et sportives ». Youhou ! quel beau programme.

Pour ce faire, nous avons lancé une invitation en bonne et due forme auprès des 11-16 ans. Le jour venu ils étaient 11 à répondre présent (peut mieux faire mais c’est déjà pas mal pour une première). Eux d’un côté de la table, nous de l’autre, nous avons écouté, commenté, noté toutes les remarques, suggestions, propositions de nos chers petits concitoyens. Il en est ressorti une foule d’idées aussi intéressantes que réalisables (quel bonheur, une première bonne action qui prend forme), dont pêle-mêle : réhabiliter le terrain de tennis, y mettre en place un tableau d’occupation, organiser des sorties cyclo et rando, des stages de découverte de sports avec d’autres communes, remplacer le filet de la table de ping-pong, rajouter une poubelle à côté des bancs, repeindre les lignes du terrain de hand, réparer la lumière du terrain de foot, créer un conseil des jeunes…

Après une année de dur labeur, l’équipe est heureuse d’avoir réalisé l’un des souhaits de ces chères têtes blondes : la poubelle est en place à côté du banc !

Pour les autres projets, visiblement, les priorités ont été revues insidieusement : en fait on n’en a jamais reparlé… Après tout, toute l’équipe est désormais sur le pont pour le festival international du point de croix, on ne peut pas être partout.

Bientôt noël !

Quand on devient conseiller municipal, on nous demande de choisir des commissions, des petits groupes de travail sur certaines thématiques comme le budget, les travaux, l’animation…

J’ai donc choisi (comme je l’aurais fait à la roue de la fortune) : la commission communication, parce que j’aime bien ça, communiquer ; la commission enfance/école/jeunesse parce que j’aime bien les enfants (les miens surtout) ; et sur un malentendu le CCAS…

CCAS ça veut dire centre communal d’action sociale. Dans cette commission il y a des gens du conseil municipal pour moitié, et puis des personnes extérieures au conseil, souvent là depuis de très, très nombreuses années. Des personnes gentilles, bienveillantes, qui aiment avoir des responsabilités et qui aiment surtout parler, discuter, échanger, papoter… Enfin chez nous c’est un peu cette typologie. Leurs missions sont évidemment : faire le bien autour d’elles, aider leur prochain qui connaîtrait des difficultés de tous types (et pas seulement financières, même si le CCAS possède son budget propre pour venir en aide aux plus démunis mais il ne faudrait pas se tromper de démuni), veiller sur les personnes isolées…

En ce moment, le CCAS se penche sur les colis de noël qui seront offerts à nos ainés. Une mission d’importance qui nécessite chaque année de nombreuses réunions et dégustations pour être bien sûr de faire plaisir. Extraits choisis des dernières commissions :

1ère réunion
– Alors l’an dernier, ils ont pas du tout aimé l’emballage. Le sac noir, c’est austère ! (ce qui est étonnant, c’est que « ils » ne se font jamais connaître, ne sont jamais nommées et sont toujours un groupe…)
– Ah ok. On va offrir une jolie boîte alors.
– Ouais, en bois et tout, super belle, qu’ « ils » pourront garder, c’est un beau cadeau, ça…
– (M-J, timide) Heu… oui mais c’est cher. Souvenez-vous, l’an dernier, on n’a pas réussi à trouver des belles boi-boîtes à mois de 6€ l’unité et sur un budget total inférieur à 30€ par colis c’est… pas facile, hein ?
– Ah ouais. On va chercher un beau sac coloré alors. Tu nous trouve ça M-J ?

2è réunion
– Bon, niveau originalité j’ai un plan imparable : il faudrait du tripoux, c’est bon du tripoux, j’ai goûté ça une fois chez un grand cuistot, c’est fin ça se mange sans faim…
– (toutes) … Heu…
– Et puis du rosé, on n’y pense pas au rosé, c’est moins cher que le champagne ou le vin moelleux, et c’est vachement original !
– (M-J, timide) Mais, Dory (c’est notre première adjointe, Dory, elle est drôle, et a toujours plein d’idées fabuleuses) il me semble que tripoux et rosé, c’est moyennement festif pour un colis de noël, non ?
– Ah oui.

3e réunion
– C’est bon, tout est ok ? Au final foie gras, vin rouge, chocolat, c’est pas mal mais on dépasse le budget. On va essayer de négocier quelque part un sac gratuit en kraft. Parce que deux euros le sac cadeau c’est beaucoup trop, désolée M-J.
– (M-J, timide) Mais… J’ai noté lors de notre première réunion que la seule remarque négative faite sur le colis de l’an dernier c’est justement au sujet de l’emballage austère, non ?
– Ah oui. Bon, on fait quoi ?..

La prochaine réunion, c’est bientôt, j’attends avec impatience la suite de ce captivant feuilleton « Mission colis de noël ».

Silence radio…

Nous voilà en plein mois d’octobre.

Des dossiers à traiter, il y en a : des loyers impayés au niveau des bâtiments municipaux, des aménagements d’accessibilité pour être conforme à l’Ad’Ap, un bulletin municipal à rédiger (le dernier est paru en février, on est loin de la périodicité trimestrielle qu’on s’est fixé il y a fort, fort longtemps), un PLU à concevoir avant la fin de l’année (rien que ça)… Sans compter ceux dont je n’entends pas parler, allant de la querelle de quartier aux procédures judiciaires en cours.

Tout cela est désormais secondaire : la commune vibre au rythme du Festival International du Point de Croix* ! Et oui, notre Val, passionnée par le point de croix depuis ses plus jeunes années, s’est fait un devoir de faire rayonner notre municipalité à travers le monde et au delà grâce à un festival qu’elle monte de toute pièce et qui remplit intégralement sa vie (et celle de la mairie) !!! Broder, contacter des brodeurs, concevoir des affiches, essayer de créer un site internet dédié à l’évènement interplanétaire, rechercher des subventions et des partenaires, tout cela est effectivement chronophage et demande une disponibilité de tous les instants.

On fait quoi maintenant ? Pas de chance, Val est également dans la catégorie des omnimaires : elle a beaucoup de mal à déléguer (mais ce n’est pas un problème de confiance, non non) et considère tout ce qu’elle ne traite pas par elle-même comme nul et non avenu. Elle gère tout, écrit tout, supervise tout… et paralyse TOUT quand elle décroche.

la réalité n’est pas si éloignée que cela, même si je dois bien avouer que ça n’est pas le point de croix qui est au cœur de ce festival intergalactique…

PLU, pas PLU

Dans notre joyeuse mairie, il y a un fil rouge : c’est le PLU.

Dès la première réunion de début de campagne électorale, ce fameux PLU a été évoqué : « ce sera le plus grand chantier de ce mandat, le passage du POS (plan d’occupation des sols) en PLU (plan local d’urbanisme). Il faudra composer une équipe en charge de réfléchir aux possibles aménagements, on fera des trucs formidables, vous verrez, ce sera bien ce sera chouette… ».

La douce Mélanie était même pressentie, en tant qu’architecte, pour superviser tout cela vu qu’il ne faut rien laisser au hasard, c’est le dossier du siècle, etc, etc…

Ça c’était au début. Depuis il s’est passé un an, et quelques départs de conseillers. Le PLU a été relégué tout en bas de la pile sans qu’on comprenne pourquoi. Voyons :
-Le POS actuel sera bientôt caduc comme le prévoit la loi Alur : le 31 décembre 2015 !!
– Les coûts (énoooormes) ont été prévus dans le budget,
– Le RNU (règlement national d’urbanisme), c’est vraiment pas bien et c’est ce qui nous attend si nous n’agissons pas…

Alors, c’est quoi qui coince ? On y va, non ?

Ben non.

D’après Val, notre maire bien aimée, ce serait pure folie que d’engager des sommes folles dans la réalisation d’un tel plan puisqu’il est vaguement possible que la communauté de commune s’en charge. Mais la communauté de communes n’a pas l’air décidée, vu que les communes pourraient très bien s’en charger elles-mêmes (tic, tac, tic, tac…).

Personnellement, ça m’angoisse un peu quand ça n’avance pas. Donc je relance régulièrement, et on me répond « on attend ».

D’ailleurs notre Val a trouvé un autre os à ronger. On était beaucoup, ces dernières mois, sur la thématique du harcèlement de la part de l’asso locale, des investissements financiers que pourrait réaliser la commune, du PLU (ah non, tiens…)… Et depuis qu’elle s’est mis en tête de réunir toute la France sur notre territoire bucolique à l’occasion d’un festival du point de croix (pas tout à fait mais on n’est pas loin), rien d’autre ne compte que le point de croix.

On piétine, les gars, on piétine.

Un bon et un mauvais conseil…

Un conseil municipal, c’est d’abord des missions. Plein de missions, d’innombrables missions. Ça file le vertige, même, tellement il y a de boulot à abattre : urbanisme, social, intercommunalité, information, et j’en passe…

C’est aussi des personnes, des humains. Il y a ceux qui connaissent le milieu, souvent parce qu’ils ont déjà fait un mandat ou deux dans la première catégorie. Ensuite, dans la deuxième catégorie, ceux qui ne comprennent pas grand chose mais qui s’accrochent. Et enfin ceux de troisième catégorie qui se sont trompés de porte alors ils partent comme ils étaient venus. Chez nous, en voilà déjà trois qui se sont trompés de porte. Le premier, François, chef d’entreprise, a glissé un matin à Val qu’étant donné les tensions conjugales que générait son implication à la mairie on ne le verrait plus. Là pour une raison encore inexpliquée Val lui a dit que non, elle refusait sa démission. Il n’avait qu’à lui donner procuration à chaque conseil, jusqu’à ce que son couple soit réparé. On ne l’a jamais revu. Soit. La démission numéro deux, c’était Mélanie. Val a retenté le refus, mais Mélanie est entière, elle ne fait jamais rien à moitié. Elle est partie. Même si elle m’avait parlé de sa décision je n’ai pas du tout aimé : Mélanie est une personnalité. Douce, constante, brillante, on veut tous être son ami. En plus de ses nombreuses qualités humaines, elle est architecte. Une compétence précieuse pour une commune. Et le troisième départ à ce jour, la pétillante Rose.

Moi je me classe dans la deuxième catégorie : je découvre, j’essaie d’apprendre en accéléré pour pouvoir être utile (la grande quête de mon existence, servir à quelque chose), et je recueille, dans le désordre, toutes les informations que je croise (qui je mets à disposition ici pour tous les autres conseillers de deuxième catégorie). Je pense que c’est dans cette catégorie là qu’on trouve le plus grand nombre d’entre nous. Et à la fin du mandat on compte ceux qui sont restés, qui ont résisté aux courants, qui ont supporté les échecs lorsqu’ils ont proposé des idées nouvelles non retenues, ou les déceptions en constatant qu’on est finalement loin, très loin de ce qu’on appelle la profession de foi de début de mandat.

Au final, ce sont peut-être ceux de la première catégorie qui s’en sortent le mieux : ils ont rempilé, ils savent pourquoi. Ils ont une longueur d’avance sur le gros de la troupe et commencent déjà en vitesse de croisière. Les autres n’ont qu’à suivre.

Et voilà, un bon conseil, c’est celui qui va coordonner tous ces humains. Même si les choix de Val en matière d’équipe ont été, à mon avis, remarquables, la mayonnaise doit prendre, ou pas. L’ingrédient magique c’est la confiance accordée par les conseillers de première catégorie (tous adjoints chez nous) aux autres, pour créer émulation et stimulation. Enfin, j’imagine que ça devrait se passer comme ça.

La genèse, départ pour une grande aventure…

La genèse.

Comment rejoindre un conseil municipal quand on n’y connaît strictement rien et en territoire inconnu ?

Et bien on y est invité. Élections municipales de 2014, Val est le maire sortant. La commune vient d’atteindre les 500 habitants. Avec les 4 conseillers qui acceptent de se re-présenter, il va lui en falloir 10 nouveaux ! Alors elle racole. Double difficulté pour les futurs élus : posséder un bon réseau de popularité (ça peut rapporter des voies) et une personnalité plutôt docile, ça évite les confrontations, elle en aura besoin plus tard (mais là je ne suis pas objective, pardon).

Après 3 sollicitations et 2 refus polis (je suis fraichement débarquée dans la région, avec 3 enfants dont deux minuscules), je me suis laissée convaincre avec ces arguments :
– les conseils, ça n’est pas si souvent, maximum toutes les 6 semaines,
– si je ne suis pas dispo, pas de problème,
– il y a pas mal de commissions mais je n’ai aucune obligation d’en faire partie.

Alors on y va.

L’équipe ainsi formée est magnifique (bravo, Val) : des personnalités complémentaires, des professions variées dont beaucoup pourront s’avérer salutaires pour les missions que nous aurons à remplir (avocat, architecte, agriculteur, chargé de communication, responsable RH…), des tranches d’âges différentes avec une bonne représentativité des moins de 40 ans, wahou, ça bouge !

Un très bon début. Motivés à blocs, tous ravis de nous trouver dans une si belle équipe, nous partîmes…

Opposition féroce

Dans notre sympathique village, il y a des rues, des maisons, des fermes, des animaux… Mais pas de commerce. Pas de boulangerie, ni même de commerce mobile, non rien. Mais nous avons une association. Elle est composée d’une poignée de membres dynamiques, des parents pour la plupart, qui organisent ponctuellement des sorties, des matchs, des soirées et autres rassemblements familiaux.

Seulement certains de ces membres dynamiques, il y a maintenant 8 ans ou pas loin, faisaient aussi partie d’une liste opposée à celle de notre maire, Val.

Val a de la mémoire. Elle se souvient de ces moments de campagne et les débats occasionnés. Elle n’a pas du tout aimé, elle s’est sentie malmenée, persécutée, elle voudrait qu’ils n’aient jamais existé, tous ces opposants. Mais ils sont là, et ils ont l’audace de prendre des décisions, forts de leur association…

Donc dans notre sympathique village, il y a UNE association. Et TOUTES les décisions que prend Val tournent désormais autour de cette association, qu’elle nomme « l’opposition féroce ».

Elle est partie !

Aujourd’hui, Rose est partie. Comme ça : elle est arrivée au conseil, a déposé sa lettre de démission devant Val, et pouf, elle est partie.

Rose, c’est une sanguine. C’est aussi un rayon de soleil : toujours souriante, toujours partante, sa bonne humeur et son dynamisme sont contagieux. Un moteur dans une équipe !

Mais elle est partie. L’explication, moi, je l’ai eue en off. La paranoïa ambiante, la langue de bois, la théorie du complot, tout ça c’est pas son truc, et une étincelle a mis le feu aux poudres récemment. Rose a réservé la salle des fêtes municipale (gracieusement, un sympathique avantage en nature aux membres de l’équipe municipale) parce que son mari organise une soirée chaque année à la fin de l’été, et il lui a fallu une solution de repli pour cause d’intempéries. Les amis de Rose qui ont été invités à cette joyeuse fête sont malheureusement membres de l’unique association du village que Val et son acolytes ne peuvent pas, mais pas du tout sentir ! La voilà donc au cœur d’une polémique sur la thème de la sous-location clandestine. Lassée, elle a jeté l’éponge et nous voilà avec encore un membre de moins.

Ma motivation en a pris un sacré coup. Il va falloir que je fasse un point sur ce qui me raccroche à ma mission…

Et pourquoi ?

Très chers lecteurs, merci d’être là, et de lire ces lignes.

Pourquoi ce blog ?

Parce que j’ai la chance d’être une élue. Municipale, certes, mais une élue. C’est magnifique, quand on dit ça ! Le terme « élu », ça fait chaud au cœur ! Ça veut dire plein de choses en même temps : un élu ça peut être un mec qui a des super pouvoirs, c’est Neo, quoi… C’est un mec en qui tout le monde croit, qui va changer le monde ou tout donner pour les gens pleins d’espoir qui ont voté pour lui…

Voilà, c’est tout ça et bien d’autres choses. Pour moi c’était ça, il y a un an. Je me sentais forte, investie d’une mission, pleine de reconnaissance envers ceux qui avaient mis mon nom dans une urne (enfin ceux qui ne l’avaient pas rayé, plus exactement). Car je ne prends pas à la légère cette mission là, loin s’en faut. En plus, en bonne néophyte que je suis, je mets du cœur à l’ouvrage depuis le tout début. Je donne (beaucoup) de mon temps car c’est nécessaire, je mets un point d’honneur à prendre du recul, à tout mettre en perspective en digne représentante de mes concitoyens. Je cherche, j’essaie de comprendre, je note tout ce qui peut m’être utile afin de remplir ma fonction le mieux possible.

Seulement il y a la réalité. Celle qui nous fait tomber de haut, qui nous donne parfois la nausée, qui nous laisse souvent désespérés et impuissants…

Oui, je suis conseillère municipale dans une commune rurale de 507 habitants, mais même ici, il y a la politique, les tensions, l’incompréhension, l’incommunicabilité…

Alors que j’avais rêvé de projets, de convivialité, d’esprit d’équipe, de concitoyens reconnaissants et enthousiastes, j’ai découvert que la nature humaine pouvait être le pire ennemi de la bonne volonté.

En résumé, la perspective de retrouver l’équipe en cette fin d’été m’a fait réaliser que j’avais besoin d’écrire ce que je vis (une expérience extrêmement riche et intéressante, j’en suis toujours persuadée) pour transmettre certaines choses mais aussi pour extérioriser mes émotions. Ça aide à ne pas tomber dans la frustration, non il ne faut pas… Amis lecteurs, apprentis et thérapeutes, encore merci…