La fois où j’ai craqué

J’ai une confidence à vous faire.

Ce blog ne doit pas son existence qu’à mon investissement dans ma mission et ma quête de savoir (attention, je ne remets rien de ces motivations en question, hein ?).

L’idée m’est venue après avoir vécu une situation surréaliste qui m’a profondément déstabilisée.

Les élections avaient eu lieu depuis peu, tout le monde prenait ses marques. Je fais partie de la commission communication donc je prends mon rôle très à cœur, et je lâche, radieuse, après un conseil « ce serait bien que j’aie les codes d’accès à la page dédiée à notre superbe commune sur le plus célèbre des réseaux sociaux ! » Val et Dory ouvre de grands yeux vides, je comprends assez vite que la barrière de la langue vient d’opérer. Néanmoins elles percutent en quelques secondes qu’à leur insu, une page portant le nom de notre commune est active sur FaceBook. Qui ? Qui est à l’origine de cette mascarade ? Bien sûr, je suis mandatée pour répondre à cette question, je n’avais qu’à pas soulever un tel lièvre. J’enquête, je trouve, et pas de chance il s’agit d’une charmante personne membre de l’unique association du village.

Puis les choses m’ont un peu échappé :

Monsieur Malchance a reçu une convocation, à laquelle il a répondu qu’il n’était pas dispo. La municipalité, avec plus de fermeté, a exprimé son mécontentement d’avoir eu connaissance de ladite page, en jetant, n’ayons pas peur des mots, le terme « d’usurpation d’identité ». Monsieur Malchance, bien décidé à avoir le dernier mot, a accusé notre chère Val de gaspiller l’argent de la mairie en procès inutile à l’encontre des citoyens (bon, il était énervé). Là, au sommet de la tension nerveuse, Val décide de réunir le conseil municipal afin de résoudre ce qui était devenu « l’affaire Malchance ».

– (Val) Je pense qu’il faut porter plainte. Si on ne le fait pas au nom de la mairie, je déposerai une main courante en mon nom. Ça peut aller loin : on peut lui faire vendre sa baraque. (Victor acquiesce)
– (Dory) On va le convoquer, maintenant il faut qu’il s’explique c’est grave ce qu’il a fait, c’est très grave !
– (Victor) Il faut rédiger un courrier plus ferme, lui exposant les risques qu’il encourt en terme pénal…

A ce moment-là, j’ai réalisé que tous ces gens, autour de la table, prenaient sur leur temps de vie pour discuter, l’air grave, d’un tout petit détail insignifiant. Je me suis rappelée qu’on parlait juste d’une page qui avait recueilli 30 « J’aime » et dont si peu de personne se souciait que c’en aurait presque été risible. J’observe leurs postures, leurs têtes qui opinent, je ne comprends plus personne, soudain.

– (M-J, au bord de l’explosion) Sinon, rappelons-nous qu’on ne parle que d’une page FaceBook, après tout, et que ce monsieur n’a rien fait d’illégal en voulant faire vivre son village ! Je suggère qu’on lui écrive plutôt un courrier le remerciant de son investissement, en lui précisant que nous souhaiterions que la gestion d’une telle page nous revienne, fin de l’histoire.

Un silence a d’abord accueilli cette tentative de désamorçage, mais Dory s’est vite ressaisie : « c’est grave, tu ne te rends pas compte M.-J. Il fait exprès de semer la confusion chez les villageois, il est malveillant, je le sais. On ne peut pas le laisser faire. »

Là, je ne peux pas expliquer ce qui m’est arrivé. J’ai baissé la tête, j’ai senti une nausée et des larmes d’impuissance monter (je sais, je prends tout à cœur) jusqu’au moment où Sylviane, apercevant mon trouble pose la question de trop « mais pourquoi ça te touche autant, M.J. ? » Explosion. J’ai eu l’impression de me retrouver enfant, désarmée et incapable de m’exprimer distinctement. Je suis sortie en m’excusant, honteuse de me donner ainsi en spectacle. Mes jambes m’ont lâchées, le souffle m’a manqué : crise de tétanie et spasmophilie. Rien que ça. Pour un détail insignifiant, j’avais bien conscience d’être dans l’excès total de réaction.

Après en être arrivée à ce stade, j’ai d’abord pensé que ce n’était pas pour moi, ce genre de responsabilités. Que j’allais probablement finir par mourir si je restais.

Concernant monsieur Malchance, il a fini par se présenter devant le bureau pour répondre de ses actes. Quand Bernard a fait le compte rendu de l’entrevue on l’entendait jubiler en disant «  il n’a pas fait le malin, il s’est excusé platement et a dit qu’il ne le ferait plus, tête basse »… La nausée m’est revenue mais j’ai récité mentalement des tables de multiplication, ça aide.

Je suis restée à deux conditions : donner mon avis, toujours, et écrire. C’est ma thérapie.

[Crédit photo de couverture: etaletaculture.fr] 

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