Révélation

On m’a dit un jour que « pour comprendre une mairie, tu dois comprendre son budget ». Pour moi, hermétique aux chiffres (d’ailleurs j’ai fait un bac A2, c’est vous dire), ça a d’abord été un coup de massue. J’ai même eu envie de vomir (j’ai la nausée facile).
« Mais comment ? » ai-je bredouillé au bord des larmes. Ce à quoi mon interlocuteur a répondu « Le Grand Livre. Tout est dans le Grand Livre..! ». Et je suis repartie avec ce mystère sous le bras. Qu’est-ce que ça peut bien être ? Un grimoire qui renfermerait toutes les formules municipales ? Soit dit en passant, c’est vrai que j’ai toujours trouvé qu’il y avait une part de magie dans le vocabulaire institutionnel : par exemple, j’adore avoir l’occasion de dire « je te donne mon pouvoir », c’est infiniment plus classe que « je te file le petit papier pour que tu votes en mon nom ». L’idée de me balader avec en poche le « pouvoir » de quelqu’un me fait toujours sourire, vraiment.

Lors d’un conseil, donc, j’ai demandé à notre Val locale si je pouvais consulter ce fameux grand livre afin, lui dis-je, de me familiariser avec le budget de la commune et ainsi cesser de poser d’innombrables questions lors du vote du budget – qui approchait à grands pas.
Un silence gêné a d’abord accueilli ma question, suivi d’un échange de regards ébahis avec notre très neutre secrétaire de mairie.
« Heu… Non ! Enfin, c’est pas la peine, tu ne comprendrais rien »… a émis notre diplomate chef du village.
Après une brève hésitation entre déception et vexation, j’insiste : ça vaut la peine d’essayer parce que, j’en suis sûre, ça me parlera. Rien à faire, c’est refusé. Pour enfoncer le clou, la Neutralité Incarnée (notre néo-secrétaire) avance avec fermeté que ce grand livre est immatériel (je vous le disais, tout cela est féérique).
– « On ne peut pas… l’imprimer ? » ose une Marie-Jeanne tristement rationnelle et de plus en plus perplexe.
– « Non, en plus ça prendrait plusieurs feuilles, c’est pas possible… ».
J’ai baissé les bras devant un argumentaire aussi implacable.

Mais cette affaire a solidement piqué ma curiosité, alors j’ai entrepris de m’instruire toute seule. J’ai trouvé un extrait de grand livre (matériel, celui-là), que j’ai épluché. Il s’agit des dépenses ligne par ligne de la commune, ce qui est beaucoup moins enchanteur que ce à quoi je m’attendais. Mais je dois reconnaître que quelque chose d’incroyable s’est produit. Mon cerveau a intégré des gros mots comme investissement, fonctionnement, amortissement sans que je n’aie mal à la tête. Non seulement j’ai compris ce que je lisais mais je me suis prise au jeu, j’ai trouvé ça presque passionnant tous ces chiffes qui doivent entrer dans la bonne case pour s’équilibrer avec d’autres chiffres… Je n’en suis moi-même pas revenue.

Cette miraculeuse découverte n’aura pas servi à grand chose au final. J’étais absente le jour du vote du budget et je n’ai pas eu l’occasion d’éblouir mes pairs de mes connaissances toutes neuves. Allez, ce n’est que partie remise, plus qu’un an avant le prochain. En attendant je compte m’essayer à la prestidigitation, je sens que ça va m’aller comme un gant et j’adore les nouveaux défis.

Pot de départ

L’évènement majeur de cette rentrée, c’est le départ de notre secrétaire de mairie préférée. C’est à dire notre unique secrétaire de mairie, celle qui connaît sur le bout des doigts notre joyeux village et chacun de ses habitants depuis plus de 20 ans, celle qui a connu trois maires, collaboré étroitement avec les deux premiers (un peu moins étroitement avec la troisième). Celle qui, en plus d’être efficace et professionnelle, est sympathique et compréhensive avec chacun. Et voilà l’heure de la retraite.

Évidemment, pas question de la laisser s’en aller sans un au revoir en bonne et due forme. Alors chacun s’organise, élus et habitants. Des préparatifs côté mairie qui m’ont donné une vague impression de scène répétée, genre Guignol et Gnafron.

Acte 1
Décor : La mairie
La gentille, Val
La méchante, Dory

– (Val) Pour ce pot de départ exceptionnel, il nous faut une réception exceptionnelle : petits fours, crémant à profusion. On prévoit 200 personnes…
– (Dory, en retard) Qu’est ce j’ai raté ?
– (Val, enthousiaste) 2000 petits fours sucrés et salés !
– (Dory, sourcils froncés) Comment ça ? Mais c’est très cher tout ça, à 50 centimes le toast, on va ruiner la mairie, et le budget école ? Les cadeaux de fin d’année pour nos anciens ? On n’a pas les moyens !
– (Val, l’air soucieux) Hmmm… Tu as peut-être raison : Comment faire ?

A ce moment là, le public croit avoir une idée de génie pour sortir nos 2 amies de cette situation :
– (M.-J., Marine et Sylviane, en choeur) On n’a qu’à les faire !
Échanges de regard de Val et Dory, fin du premier acte.

Acte 2
Même décor
Mêmes personnages
– (Dory) Pour le cadeau, il faut absolument dissocier la mairie des conseillers municipaux. On ne va quand même pas tout mélanger.
– (Val) D’accord. Et pour les habitants, que fait-on ?
– (Dory) Qu’ils se débrouillent ! On leur donne déjà la date, on ne va quand même pas les prendre par la main.

Le public, encouragé par son succès lors de l’intervention précédente, tente une suggestion :
– (M.-J., Marine et Sylviane, en chœur) On n’a qu’à faire une boîte, et puis faire circuler une info dans le village !
– (Dory et Val, en chœur aussi) Non.

Fin du deuxième acte.

(Une information (plus qu’une invitation) a ensuite été posée à la hâte dans les boîtes aux lettres, sans coupon-réponse (Dory a oublié, ça arrive d’oublier), prise en sandwich entre 2 prospectus.)

Durant le dernier acte de cette aventure, dans la salle des fêtes, et après avoir intensément tartiné une journée durant, nous avons pu entendre le discours du premier maire avec lequel notre jeune retraitée avait travaillé au sein de la commune. Il a énuméré les nombreuses actions entreprises durant ces années, tous les projets menés conjointement, et les qualités dont notre chère secrétaire a su faire preuve sans jamais démériter.

Puis le deuxième maire avec lequel elle a collaboré a vanté son professionnalisme et sa grande compétence au travers de tous les dossiers traités les uns après les autres, malgré les difficultés et les contraintes. Il lui a aussi remis l’enveloppe de la part de tous nos administrés (qu’une villageoise a spontanément centralisé).

Enfin, Val a chanté une petite chanson, une ode au métier de secrétaire. Elle compose, aussi.

Merci à tous, le buffet est ouvert !

Rideau.

C’est reparti !

Oui, dans notre paisible commune les vacances c’est sacré.

Durant deux mois c’est la sérénité absolue : pas de commissions, pas de conseil, pas de festivités non plus, rien qui risquerait de perturber notre quiétude estivale. C’est relâche.

J’ai donc profité de ce long fleuve tranquille pour faire le point sur mon investissement municipal. Je me suis ainsi aperçue que je me laisse bien trop souvent aller à me plaindre ou à ironiser sur l’équipe qui m’entoure : pas bien. Alors que j’aurais pu mettre au point des outils ou une méthodologie pour devenir un bon conseiller, que de temps perdu !

J’ai donc décidé que mes bonnes résolutions de rentrée seraient les suivantes :

  • Je positiverai davantage, en cherchant toujours le bon côté de chaque situation et de mes interlocuteurs (c’est facile, je pense qu’il suffit de faire du yoga ou du tai-chi-chuan, j’ai lu ça quelque part) ;
  • Je prendrai la peine de noter et de mettre à disposition de qui voudra tous les outils qui me permettent d’avancer dans ma mission et de mieux décrypter le monde merveilleux des collectivités territoriales.

Voilà, j’ai hâte de me remettre en selle. Val, de son côté est déjà en route pour de nouvelles aventures et nous prépare une année scolaire pleine de dossiers passionnants. En vrac, quelques thématiques annoncées :

  • Festival du Point de Croix, deuxième édition (c’est reparti, chouette) ;
  • Mais que vont devenir tous nos jolis bâtiments communaux inoccupés ? ;
  • Quel avenir pour les fêtes et manifestations du village (c’est vrai quoi, ya jamais personne, alors que l’offre culturelle est là…) ;
  • Comment venir à bout des incivilités qui nous pourrissent la vie (encore des crottes de chien sur les trottoirs, des tontes de pelouse hors créneaux horaires, bref, des nuisances de tous poils)

Je vous prépare un bilan de conseil version 2.0 : clair, neutre, et résolument POSITIF !

(Et là j’y vais, j’ai tai-chi…)

Ça baigne dans l’huile

Notre généreuse mairie met une fois par an la salle des fêtes à la disposition de ses conseillers dévoués pour les remercier de leur engagement. Avantage en nature jugé inapproprié par Bernard, co-second adjoint, mais tant pis, cette année j’ai eu l’honneur d’en bénéficier. Dans la salle des fêtes, il y a une grande friteuse, style professionnelle. Et j’adore les frites. Audacieuse, j’ai donc demandé le prêt de cette rutilante machine, et ma requête a été acceptée. Joie, bonheur, et préparatifs s’ensuivent.

Quatre jours avant ma petite surprise-party, Dory m’annonce qu’un souci majeur se profile pour que j’utilise l’engin : il fonctionne sur le 380 V, et donc se branche dans un local tenu secret, fermé à double tour pour des raisons de sécurité. Elle me donne donc rendez-vous le lendemain pour une formation friteuse en bonne et due forme, « tu comprends, la sécurité… ».

Or le matin du lendemain, rien à voir avec notre affaire, mon très cher mari échange justement quelques mots avec Val au sujet d’un écoulement d’eau communal bouché, et termine la conversation par un maladroit sous-entendu sur la supposée mauvaise foi de notre chef du village… Aïe. La boulette. Je la connais bien, notre Val. Un pressentiment m’assaille car ne dit-on pas « Val contrariée, friteuse confisquée » ?

Bingo, au lieu de retrouver Dory pour notre formation en tête-à-tête, voilà le bureau au complet qui débarque en mairie à l’heure dite. Avec mon fautif époux, on nous invite à gravir les marches. À l’extrémité de l’immense table du conseil, Val trône, l’air grave. Buste de Marianne à sa droite, portrait de notre président national à sa gauche, elle lève à peine les yeux pour nous inviter à nous assoir… « Vous ne me faites pas confiance, vous n’aurez pas la friteuse » assène-t-elle. J’ai déconnecté directement à ces mots en pensant à ma reconversion professionnelle dans la voyance, une activité lucrative. Mon preux mari, lui n’a pas décroché, il s’est battu vaillamment et a démonté un a un tous les argument avancés par nos accusateurs (je cite en vrac : c’est dangereux une friteuse, et s’il y a des enfants, et si tout le monde se mettait à la vouloir notre friteuse qu’elle est à nous…). Et il a obtenu gain de cause, quelle fierté, on a les droits : la friteuse est à nous, c’est bon pour une fois, mais il faut qu’on aille la brancher ailleurs et à l’insu des villageois, et qu’on arrête de dire du mal aussi.

Voilà une belle victoire. En sortant, alors que j’en étais toujours à mon plan de carrière, mon dévoué conjoint est allé acheter quatre friteuses neuves. Et qu’on n’en parle plus.

Pas de malaise…

 Malaise : N.M. Sensation pénible, mal localisée, d’un trouble physiologique. Brusque défaillance des forces physiques pouvant aller jusqu’à l’évanouissement. État, sentiment de trouble, de gêne, d’inquiétude, de tension.

Larousse

Notre dynamique mairie est aussi employeur. Elle emploie pas moins de sept personnes, tous postes confondus.

Nous avons d’abord deux agents techniques. Ils entretiennent nos bâtiments et nos espaces verts depuis de nombreuses années. L’un d’eux est malheureusement en arrêt : dépression. Des soucis perso, explique vaguement Val. Par discrétion, personne ne pose de questions.

Il y a le personnel de cantine et de garderie. Elles sont étaient quatre, pour encadrer nos bruyants marmots, assurer leur sécurité et la propreté des locaux, essuyer des nez qui coulent, et autres réjouissances de la petite enfance. En fait il n’en reste qu’une. Deux d’entre elles sont en arrêt de longue durée pour des troubles musculo-squelettiques, à ce qu’on raconte c’est assez courant. Et assez handicapant. J’ai d’ailleurs croisé l’une d’elles qui marche à grand peine parce que les opérations n’ont pas suffi. La deuxième attend qu’un médecin se prononce sur sa capacité à reprendre son poste. La troisième démissionne, officiellement parce qu’elle déménage (à 10 kilomètre de chez nous). Et la quatrième souffre d’une sciatique : c’est notre Atsem, elle tient bon pour le moment mais compte les jours jusqu’aux vacances.

Enfin il y a notre secrétaire de mairie. Elle a toutes les qualités : pro, efficace, ordonnée, sympathique, compréhensive… Mais elle s’en va. Après 30 ans de bons et loyaux services elle prend sa retraite anticipée.

Deux postes rescapés sur sept, voilà qui donne beaucoup de soucis à notre vaillante Val : des arrêts de travail renouvelés, des contrats de remplacement, des entretiens d’embauche… Elle recrute à tour de bras, toujours en local, et uniquement des personnes qu’elle connaît : elle le dit très bien, on ne sait pas sur qui on peut tomber en diffusant une annonce. Et elle peine. « Les gens ne veulent pas bosser, entre ceux qui se font arrêter et ceux qui refusent des tâches de leur contrat, on ne s’en sort pas ». Elle a sûrement raison.

Un jour l’un de nos administrés a lancé, en parlant de la commune en général, « il y a un malaise ». Val l’a trouvé méchant.

Mais étrangement, je me sens moi-même un peu mal à l’aise là dessus : au final ces sept personnes employées par notre douce commune sont nos collègues, elles sont là comme nous au nom du service public alors que certaines d’entre elles ne nous connaissent même pas. Qu’aucun d’entre nous, conseillers, n’a jamais vraiment pris de nouvelles de ceux qui sont absents, pas de fleurs, pas de mots d’encouragement. Que le mot « prévention » n’a jamais été prononcé. Que les personnes qui quittent volontairement leur poste n’ont pas été retenues.

Je n’en parle pas à Val, mais je dois être moi aussi une bien méchante personne : je me dis souvent « il y a un malaise ».

Le festival international : enfin, le bilan

Voilà, c’est fait.

Le festival international du point de croix, marotte de notre Val, vient d’avoir lieu.

Un franc succès, cette première édition, selon les organisateurs. Deux jours d’expositions et de conférences, 25 exposants de toute la France, un peu de soleil pour les photos officielles… On lâche des chiffres : 500, 600 et même 700 visiteurs venus de France et de Navarre ! Tous ces passionnés du point de croix qui se bousculent dans notre salle des fêtes, quelle joie, quel honneur ! Val exulte.

Niveau communication, consciente de l’ampleur de l’événement notre chef du village avait mis le paquet : « il faut que tout soit vraiment pro », nous a-t-elle assuré. J’ai tout d’abord eu l’honneur de réaliser le site dédié et les affiches. Je me suis beaucoup appliquée. Après Val m’a demandé de créer une page FaceBook au nom de la commune pour relayer l’événement. Là, j’ai pouffé, et je lui ai conseillé de se rapprocher de monsieur Malchance qui, lui, fait ça très bien. Elle n’a pas ri, elle ne m’a plus rien demandé. A l’approche de la date fatidique, pour rester dans le « pro » je me suis tout de même proposée d’accorder toute la signalétique du festival aux affiches, l’identité visuelle et tout ça c’est mon dada. Mais tout était déjà prévu : « j’ai acheté des plaques en plastique et des feutres indélébiles »… Je ne voyais pas les choses comme ça. Bof, j’en fais toujours trop sans doute. Rien n’a été oublié : le parking (à l’écart de la manifestation pour éviter les embouteillages à proximité du site), l’entrée, les salles d’exposition (deux salles !), la buvette, les WC, chaque lieu a revêtu sa belle pancarte… Cerise sur le gâteau, Val (qui décidément ne peut compter que sur elle-même) a réalisé de sa main, à l’aide d’une règle et d’un compas, un joli plan du cœur de village qu’elle a annoté et photocopié à l’usage des visiteurs.

Pour le bilan, comme chiffre officiel, on a gardé « plus de 700 ». La personne en charge du comptage était l’un des exposants, il était un peu occupé. A un moment il s’est retourné pour regarder autour de lui, il y avait bien 20 personnes, a-t-il expliqué, « oui, il y avait du monde c’est sûr ». Bon. « Et parmi la foule, combien de nos chers administrés ? » ai-je demandé, curieuse ? « Deux familles », s’étrangle Val. Dory, qui a toujours une théorie dans sa manche avance une explication : « Toute façon, la culture en milieu rural… ». Ça m’a laissée songeuse.

Moi je l’ai ratée, la manifestation de l’année. Ma passion pour la natation synchronisée m’a retenue ailleurs. J’avais répet’.

Qui est contre ? Qui s’abstient ?

C’est à la tombée de la nuit certains vendredis, à vingt heures trente tapantes, que conseillers, adjoints et maire quittent leurs confortables chaumières afin d’accomplir leur devoir d’élu.

La convocation préalablement reçue nous permet de préparer -ou non- ces rencontres, et les nombreuses délibérations à l’ordre du jour sont égrainées une à une par Val.

Il y a des nuits où l’ordre du jour est très dense. Concentrons-nous.

– Val : L’eau et l’assainissement, on augmente ?

Michèle : Pensons au contribuable : vu l’augmentation de l’an dernier, c’est peut-être pas utile, si ?

C’est alors que retentit la voix hypnotique de Victor : « une augmentation faible mais constante est nécessaire afin de prévenir les éventuels frais d’investissement qui pourraient survenir lors d’on ne sait quelle faiblesse technique de l’équipement… »

Et flûte, c’est là que j’ai décroché, parce que j’entends soudain Val :

– qui est contre ? Qui s’abstient ?..

Aïe ! Je crois que j’ai malencontreusement voté pour l’augmentation du prix de l’eau. Comme tout le monde visiblement. Tant pis.

Je me ressaisis. Sujet suivant : tarifs de la cantine et de la garderie.

– Val : Le prestataire n’a pas augmenté ses tarifs, mais bon, il pourrait bien le faire un jour.

– M.J. : En même temps, il faudrait laisser aux parents (dont je fais partie, disons-le) le temps de se remettre de la nouvelle grille tarifaire revue l’an dernier, c’est douloureux quand on a une poignée d’enfants scolarisés.

– Victor (qui reprend sa voix de stentor) : Il me semble qu’il faut habituer les usagers à une augmentation faible mais constante qui permet une anticipation des éventuelles variations de tarifications du prestataire…

Mais je reste concentrée. Val annonce : « qui est contre ? » Je lève le bras d’un geste ample, exprimant mon désaccord avec fermeté, m’attendant à un mouvement d’ensemble. Bon au final, on est 2, et une abstention.

Dernier sujet et on va se coucher : Taux de la taxe d’aménagement. Celui-là, on l’a déjà eu l’an dernier. On a voté, comme le préconisait Val, une exonération pour les abris de jardin de moins de 20m2. La délib est revenue refusée : on exonère tout ou rien. Cette fois Val est animée. Elle pense qu’il est juste d’exonérer de cette taxe toutes les constructions de jardin quelle que soit leur taille. Elle est sensible et altruiste, Val. Victor tente une intervention, « il serait peut-être sage de pratiquer un taux réduit, c’est tout de même un revenu pour les communes, est-il judicieux d’y renoncer ?.. » Val l’écoute à peine, se détourne, enchaîne : Bon, on soumet au vote ? Des votes contre ? Des abstentions ? » Non. C’est voté. Bravo.

Voilà, c’est comme ça que ça se passe. En rentrant je suis passée devant la maisonnette de notre Val. J’ai pensé que tout de même, ça tombe bien : son joli petit chalet de 19,8m2 qu’elle a construit l’an dernier, pour lequel elle n’a pas encore eu le temps de faire sa déclaration (en plein festival, il faut faire des choix), il ne sera pas taxé au final, tiens. C’est une chance.

Encore une bonne résolution : en janvier c’est TAP

Une nouvelle année qui débute, quel bonheur de penser à tous ces beaux projets qui vont voir le jour au fil des mois dans un esprit de sérénité et de rassemblement… Bonne année à chacun de vous.

S’il y a bien un sujet qui divise nos communes depuis plus d’un an, c’est celui des TAP.

Les TAP, ce sont des « temps d’activité périscolaire », un tout nouveau concept sorti de terre avec la réforme des rythmes scolaires appliquée depuis septembre 2014. Le principe : on raccourcit les journées de l’écolier, mais on ajoute à son emploi du temps une demi-journée de cours : le mercredi matin ou, sur dérogation le samedi matin. Le temps dégagé en fin de journée permet l’aménagement d’activités variées, ludiques, sportives, et tout ce qu’on veut bien y mettre.

La loi prévoyait à l’origine 45 minutes de TAP par jour, obligatoires et gratuits. Pour faire court, la mesure pose des soucis sur certains territoires en terme de personnel qualifié, de financement, et de mise en pratique des activités (45 minutes, ça passe vite et c’est vite grignoté par les déplacements, les mises en places…). Bref, après bien des débats, la gratuité, le caractère obligatoire et la répartition dans la semaine sont soumis à l’appréciation des communes, qui feront comme elles peuvent.

Dans notre joyeux village, la position de la mairie a été la suivante : pas de TAP, pas de débat. L’école se termine à 15h45, et après c’est garderie.

Mais les parents d’élèves, eux, ont envie de ce qu’il y a de mieux pour leur progéniture, et puisque l’objet de la réforme était, entre autres, de faciliter l’accès à des activités sportives et artistiques à tous les élèves, pourquoi pas nous ?

En 2014, une enquête à l’initiative de ces parents est lancée à l’école, puis soumise à la mairie : il en ressort qu’une majorité des familles est favorable au regroupement des TAP sur une demi-journée, le vendredi après-midi est évoqué. Réponse : trop tard, mes pauvres amis, pas de chance. La date de dépôt des demandes à l’inspection est passée. La prochaine fois.

En 2015, ils remettent ça, plus motivés que jamais. Alors on leur promet d’y penser, une commission école sera programmée en début d’année scolaire pour étudier la question. Mais voilà, ils sont sacrément déterminés ces parents là, et bien renseignés. Pas question de reculer. Un Projet Éducatif se monte progressivement. Mairie, parents et enseignants tombent d’accord sur presque tout : les thématiques, le financement, la durée de chaque activité… Mais pas le jour. Un détail, me direz-vous, mais un détail qui peut faire basculer tout ce bel entrain.

Les enseignants : Le vendredi c’est top, les enfants ne donnent rien de bon en fin de semaine, ils ont besoin de souffler et de passer à des activités qui sollicitent moins leur concentration. (et puis si c’est pas le vendredi on n’anime pas les TAP, voilà) ;

Argument des parents : on s’en f…, on veut des TAP ;

Argument de la Mairie : Le jeudi c’est ce qu’il y a de mieux : plus d’intervenants potentiels disponibles, coupure dans le rythme. Et puis si les enfants sont fatigués le vendredi c’est que leur semaine de travail est mal répartie. (heu, en off : et puis si la semaine des enseignants se termine le vendredi à midi, où va-t-on ?)

Bilan, les débats sont toujours brûlants à ce jour. Une seule chose se dessine avec certitude : la détermination de notre Val, qui a conclu la dernière commission par un « si c’est pas le jeudi, je ne signe pas le projet »…

Et chez vous ? Pour me faire part de votre expérience, c’est ici ou bien laissez-moi un commentaire là, plus bas.

Un bon et un mauvais conseil…

Un conseil municipal, c’est d’abord des missions. Plein de missions, d’innombrables missions. Ça file le vertige, même, tellement il y a de boulot à abattre : urbanisme, social, intercommunalité, information, et j’en passe…

C’est aussi des personnes, des humains. Il y a ceux qui connaissent le milieu, souvent parce qu’ils ont déjà fait un mandat ou deux dans la première catégorie. Ensuite, dans la deuxième catégorie, ceux qui ne comprennent pas grand chose mais qui s’accrochent. Et enfin ceux de troisième catégorie qui se sont trompés de porte alors ils partent comme ils étaient venus. Chez nous, en voilà déjà trois qui se sont trompés de porte. Le premier, François, chef d’entreprise, a glissé un matin à Val qu’étant donné les tensions conjugales que générait son implication à la mairie on ne le verrait plus. Là pour une raison encore inexpliquée Val lui a dit que non, elle refusait sa démission. Il n’avait qu’à lui donner procuration à chaque conseil, jusqu’à ce que son couple soit réparé. On ne l’a jamais revu. Soit. La démission numéro deux, c’était Mélanie. Val a retenté le refus, mais Mélanie est entière, elle ne fait jamais rien à moitié. Elle est partie. Même si elle m’avait parlé de sa décision je n’ai pas du tout aimé : Mélanie est une personnalité. Douce, constante, brillante, on veut tous être son ami. En plus de ses nombreuses qualités humaines, elle est architecte. Une compétence précieuse pour une commune. Et le troisième départ à ce jour, la pétillante Rose.

Moi je me classe dans la deuxième catégorie : je découvre, j’essaie d’apprendre en accéléré pour pouvoir être utile (la grande quête de mon existence, servir à quelque chose), et je recueille, dans le désordre, toutes les informations que je croise (qui je mets à disposition ici pour tous les autres conseillers de deuxième catégorie). Je pense que c’est dans cette catégorie là qu’on trouve le plus grand nombre d’entre nous. Et à la fin du mandat on compte ceux qui sont restés, qui ont résisté aux courants, qui ont supporté les échecs lorsqu’ils ont proposé des idées nouvelles non retenues, ou les déceptions en constatant qu’on est finalement loin, très loin de ce qu’on appelle la profession de foi de début de mandat.

Au final, ce sont peut-être ceux de la première catégorie qui s’en sortent le mieux : ils ont rempilé, ils savent pourquoi. Ils ont une longueur d’avance sur le gros de la troupe et commencent déjà en vitesse de croisière. Les autres n’ont qu’à suivre.

Et voilà, un bon conseil, c’est celui qui va coordonner tous ces humains. Même si les choix de Val en matière d’équipe ont été, à mon avis, remarquables, la mayonnaise doit prendre, ou pas. L’ingrédient magique c’est la confiance accordée par les conseillers de première catégorie (tous adjoints chez nous) aux autres, pour créer émulation et stimulation. Enfin, j’imagine que ça devrait se passer comme ça.

Opposition féroce

Dans notre sympathique village, il y a des rues, des maisons, des fermes, des animaux… Mais pas de commerce. Pas de boulangerie, ni même de commerce mobile, non rien. Mais nous avons une association. Elle est composée d’une poignée de membres dynamiques, des parents pour la plupart, qui organisent ponctuellement des sorties, des matchs, des soirées et autres rassemblements familiaux.

Seulement certains de ces membres dynamiques, il y a maintenant 8 ans ou pas loin, faisaient aussi partie d’une liste opposée à celle de notre maire, Val.

Val a de la mémoire. Elle se souvient de ces moments de campagne et les débats occasionnés. Elle n’a pas du tout aimé, elle s’est sentie malmenée, persécutée, elle voudrait qu’ils n’aient jamais existé, tous ces opposants. Mais ils sont là, et ils ont l’audace de prendre des décisions, forts de leur association…

Donc dans notre sympathique village, il y a UNE association. Et TOUTES les décisions que prend Val tournent désormais autour de cette association, qu’elle nomme « l’opposition féroce ».