Ça baigne dans l’huile

Notre généreuse mairie met une fois par an la salle des fêtes à la disposition de ses conseillers dévoués pour les remercier de leur engagement. Avantage en nature jugé inapproprié par Bernard, co-second adjoint, mais tant pis, cette année j’ai eu l’honneur d’en bénéficier. Dans la salle des fêtes, il y a une grande friteuse, style professionnelle. Et j’adore les frites. Audacieuse, j’ai donc demandé le prêt de cette rutilante machine, et ma requête a été acceptée. Joie, bonheur, et préparatifs s’ensuivent.

Quatre jours avant ma petite surprise-party, Dory m’annonce qu’un souci majeur se profile pour que j’utilise l’engin : il fonctionne sur le 380 V, et donc se branche dans un local tenu secret, fermé à double tour pour des raisons de sécurité. Elle me donne donc rendez-vous le lendemain pour une formation friteuse en bonne et due forme, « tu comprends, la sécurité… ».

Or le matin du lendemain, rien à voir avec notre affaire, mon très cher mari échange justement quelques mots avec Val au sujet d’un écoulement d’eau communal bouché, et termine la conversation par un maladroit sous-entendu sur la supposée mauvaise foi de notre chef du village… Aïe. La boulette. Je la connais bien, notre Val. Un pressentiment m’assaille car ne dit-on pas « Val contrariée, friteuse confisquée » ?

Bingo, au lieu de retrouver Dory pour notre formation en tête-à-tête, voilà le bureau au complet qui débarque en mairie à l’heure dite. Avec mon fautif époux, on nous invite à gravir les marches. À l’extrémité de l’immense table du conseil, Val trône, l’air grave. Buste de Marianne à sa droite, portrait de notre président national à sa gauche, elle lève à peine les yeux pour nous inviter à nous assoir… « Vous ne me faites pas confiance, vous n’aurez pas la friteuse » assène-t-elle. J’ai déconnecté directement à ces mots en pensant à ma reconversion professionnelle dans la voyance, une activité lucrative. Mon preux mari, lui n’a pas décroché, il s’est battu vaillamment et a démonté un a un tous les argument avancés par nos accusateurs (je cite en vrac : c’est dangereux une friteuse, et s’il y a des enfants, et si tout le monde se mettait à la vouloir notre friteuse qu’elle est à nous…). Et il a obtenu gain de cause, quelle fierté, on a les droits : la friteuse est à nous, c’est bon pour une fois, mais il faut qu’on aille la brancher ailleurs et à l’insu des villageois, et qu’on arrête de dire du mal aussi.

Voilà une belle victoire. En sortant, alors que j’en étais toujours à mon plan de carrière, mon dévoué conjoint est allé acheter quatre friteuses neuves. Et qu’on n’en parle plus.

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